jeudi 22 octobre 2009

Je n'ai pas téléphoné à maman



Samedi, il y a eu trente ans, mon père est mort, comme on meurt  très souvent à cet âge là, très jeune, brutalement, d’une rupture d’anévrisme. Rupture d’anévrisme supplémentaire dans une famille martyrisée par la destinée.

Un peu plus tard à la mort d’un de mes frères j’avais calculé que l’âge moyen du tombeau était  de trente ans. J’ai survécu, pire, j’ai vécu, plus indigne encore je vis et je veux vivre et rire. Je ne me laisserai pas ensevelir, je ferai remonter d’un grand coup la moyenne d’espérance de vie familiale. Maman aussi d’ailleurs.

Je n’ai pas téléphoné à maman, j’ai oublié, le trou complet. J’oublie toujours. L’entendre pleurer encore m’est simplement insupportable, aussi me suis-je arrangé avec tous les anniversaires, je les saute, le calendrier se bloque quelques jours avant indéfiniment puis deux ou trois jours plus tard se remet à l’heure.

Plus le traumatisme est fort en général plus l’oubli est long, là, dix ou quinze jours … Maman m’a téléphoné hier, n’y a pas fait allusion et s’est rendue compte que j’avais une fois de plus fait l’impasse. Je ne  l’avais pas trouvé très en forme, ce matin mon cerveau s’est débloqué et je comprends. Lorsque nous en parlons elle pleure et me dit : « tu as bien de la chance d’oublier les dates… » Je ne fais pas exprès, je crois que c’est un mécanisme de défense mis en place toute petite. De la résilience peut être.


                                                                      moi bébé, ce 'est pas le sujet?  en fait, si c'est le sujet....
Tous les anniversaires me sont insupportables. J’oublie à la grande stupéfaction de mes proches de souhaiter les anniversaires de mes petits enfants. Je sais que c’est important à cet âge là, les anniversaires, mais je sais aussi que s’attacher névrotiquement aux dates peut faire vivre de douleur en souffrance,  passant d’une date à l’autre, celle du mariage tué à celles de la mort de ses parents, celles de l’anniversaire de la naissance des disparus  aux fêtes inévitables bourrées de chrysanthèmes.

J’ai décidé de tout rejeter, en bloc, j’accepte de me souvenir de mes proches disparus mais je refuse de vivre en pleurant indéfiniment leurs absences. J’avais le choix adolescente, soit je vivais, soit je mourrais. J’ai un peu hésité. Autour de moi, la vie ne semblait franchement pas une voie sympa, et je pensais que quitte à mourir un jour pourquoi pas tout de suite, cela m’évitait de souffrir  en attendant. Mais en fait, j’adorais vivre, pas sérieuse de plus, j’adorais m’amuser  et pensais pouvoir vivre autrement, je me suis promis de vivre et d’être heureuse.
Autour de moi, j’entendais : « tu as bien de la chance de pouvoir rire » « tu verras la vie n’est pas facile » « tu verras quand tu seras mariée » « tu verras quand tu auras des enfants »  j’ai même eu le droit à des « tu verras quand tu seras seule » ... Que des encouragements. Intrépide, enfin inconsciente, je les ai négligé. 

Aujourd’hui, à la maison la tendance est plutôt de fêter des non-anniversaire, fête instituée par Alice, un jour »x » vous choisissez l’heureux récipiendaire de cet anniversaire surprise, vraiment ; faites un gâteau, au chocolat le gâteau, obligatoire, mettez des bougies dessus, si vous avez un cadeau adéquat, vous pouvez le rajouter  et chantez en chœur « Un Joyeux non-anniversaire, à qui, à toi, à nous… »



 Pour ce billet, je pensais vous parler de charters d’ours blancs que l’on enverrait en Antartique afin qu’ils puissent continuer à patiner sur des glaces éternelles, vivre comme ils ont toujours vécus. Mais Lhom m’a dit, non, pas  de faits divers, un truc perso, c’est plus amusant ;  bizarre Lhom parfois.   Je soutiens que l’idée des charters d’ours blancs est non seulement plus intéressante mais aussi essentielle à notre vie, les glaces du pôle nord fondent, il en reste bien plus au pôle sud,  créons une réserve naturelle  dans cette immensité de glace, mettons  phoques et ours, enfin tout ce qui risque de pâtir de ce changement climatique, tant qu’à faire de bouleverser l’écologie naturelle autant   le faire de façon amusante. Tant qu’à faire des charters autant que ce soit d’ours blancs.

1 commentaire:

Virginie B a dit…

merci de ta venue et de ton message... je découvre ainsi une partie de ta vie et surtout ton univers, en tous les cas l'introduction de ton blog est bien sympa !