lundi 22 février 2010

Les deux lycées


Avant d'arriver à Bisounoursville je m’étais renseignée sur quels étaient les « bons » lycées et eus très vite la conviction que mes enfants devaient aller au Lycée La fontaine. Nous habiterions donc dans le secteur du lycée et pour assurer le coup, je suis allée sur le site du rectorat où rue par rue la ville était entièrement découpée en donnant le nom du lycée et collège dont vous dépendiez (double liste)
-rue d’Alembert du n°1 au n°144  collège Dumas
-rue d’Alembert n°146 au 366  collège Tycolle
-impasse des petits pas, collège Descartes




Ainsi de suite, je me suis munie d’un plan de Bisounours, et de stabilo, vert, OK, orange, attention rue découpée en différents secteurs, rouge, pas eu besoin de rouge en  fait… Dommage très joli les stabilo rouges mais on ne peut lire en dessous pas très pratique. J’ai choisi ainsi mon appartement. Je voulais qu’il fût également à moins de dix minutes à pied du lycée. J’allais déjà solliciter la tête de mes gars, je ne pouvais en plus les torturer par des trajets sans fin.

Sur ce grand boulevard, face à face deux immenses lycées. L’ancien lycée de filles, Le Montespan et celui des garçons le La Fontaine. L’ancien lycée des garçons est comme il se doit plus scientifique, et en fait meilleur, même en non scientifique, celui des filles réputé plus faible.  (Olympe  adore, ce sexisme stupide et primaire). Les deux proviseurs s’entendent très bien et se partagent le boulot d’une manière aussi futée qu’étrange.

Pour entrer à La Fontaine, il faut avoir un très bon dossier scolaire et être jeune, de préférence issu d’un autre bon lycée. Guillaume ayant eu des « absences » durant sa première je comptais valider toutes les autres cases en habitant en plus le secteur. Les gars furent pris sans problème, pendant qu’Hubert faisait son CM2 dans une banale école primaire du quartier.

Le lycée s’avéra à la hauteur de mes attentes, un excellent lycée où on fait bosser les jeunes sans prises de têtes inconsidérées. En fin de CM2 d’Hubert je me demandais encore comment La Fontaine virait les maillons faibles en face. Il fut très vite établi qu’à La Fontaine les enfants ont cours tous les samedis de 8h à midi et cela jusqu’en troisième. A Montespan, pas de cours le samedi, de plus à La Fontaine les cours du lundi matin commençaient toujours à 8h. Mauvaise organisation ( ... :) ) rajoutée à une exigence plus grande  des profs cela  élimina d’office au moins un tiers des enfants. Les parents demandant une dispense pour Montespan et  l’obtiennent toujours.

Pour avoir des enfants scolarisés à La Fontaine il faut savoir tirer un trait sur les week end, sacrifier bien des choses aux études des enfants. Si, au fil du temps les jeunes ne bossent pas, la section demandée par les parents ne sera disponible qu’en face. Les listes d’attentes pour ce lycée sont d’une longueur déprimante, bien des parents font des pieds et des mains pour y faire rentrer leurs enfants.

A la sortie des lycées, peu de différences entre les élèves qui ne se  fréquentent absolument pas. A ma connaissance même les clubs de sport sont séparés. Les élèves fontenesque sont un poil plus classiques, les Montespan un chuya plus bohêmes. Les minorités visibles sont invisibles dans un cas comme dans l’autre. Bisounoursville a d’autres lycées loin.

Il y a deux ans Guilaume passait son bac alors que bien des lycéens rêvaient encore de « faire un autre 68, graal jamais atteint ». Le collège Montespan fut orné  de grandes banderoles, des jeunes faisaient de longs conciliabules sur le trottoir avant de monter refaire le monde sur le toit de leur établissement. Au La Fontaine, rien. Rien, les élèves rentraient paisiblement en cours à 8h, les autres au lit ne les en empêchaient pas. Il a du fermer une journée seulement. Des barrages filtrants mis en place par les grévistes échouaient inévitablement.

Ceux de La Fontaine ne se prennent pas la tête avec ceux de Montespan, ces derniers les jugent très puérils politiquement pas murs, un peu demeurés de tant  bosser.

Quelques jeunes franchissaient le rubicond, tracts dans les bras, le gars se pressait, pas facile de courir pour traverser un boulevard avec un baggy aux genoux. La fille habillée d’une salopette confectionnée avec deux grands foulards indien, courait plus librement et était persuadée que son charme rameuterai le lycée d’en face à la manif.
« Hé, tu fais quoi, là ? Tu passes pas ! »
« J’vais voir mon pote, il est interne, on ressort ensemble » Guillaume se saisissait de son téléphone et passait.
Marie Caroline rentrait telle une  furie, en disant, « Je vais juste chez le dentiste ! »
Au regard interloqué, elle expliquait, « J’y vais avec Pétronille, et elle est dedans, tu comprends son père est prof ! »

Oh le handicap ! Pétronille a un père prof, pire prof gréviste à Montespan. Il est obligé de se cacher pour déposer sa fille en catimini au lycée la Fontaine.  Puis lui, file préparer ses prochaines vacances en salle informatique: Orpailleurs dans le Gard, la bouffe et le climat sont meilleurs qu’en Afrique du Sud

Guillaume a eu son bac, tout son lycée a son bac, en face je ne sais pas, je ne sais pas non plus ce que Montespan  fait des jeunes lorsqu’ils les déclassent dans d’autres lycées. Tout cela reste calme bien ordonné. Un ordre établi qui me laisse songeuse, je ne sais pas si les parents ont vraiment conscience de ces arrangements, mais le pragmatisme prime et tout le monde en sort gagnant. Classes plus homogènes, ambiances assorties, pas de violence ni de fortes récriminations.

Bisounoursville est vraiment une ville, à part.

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