jeudi 10 octobre 2013

Survivre par effraction

J'ai toujours su, que vivre n'était pas facile, de mes plus lointains souvenirs, nulle tendresse, nulle sécurité, mais un monde dur où je devais feindre et apprendre au plus vite, sinon, mourir.

Mes parents ne se sont jamais rendus compte à quel point notre quotidien était une horreur absolue, un vernis de paix sous un volcan de guerre, eux  savaient, naturellement la guerre, mais ils pensaient, probablement que nous étions trop petits pour savoir que nous étions menacés, enfin nous étions peut être pas menacés, mais toute petite je pensais  pouvoir mourir dans l'instant, sans savoir pourquoi, ni comment, je savais ma vie en suspens.

Je n'ai aucun souvenir de paix ou de sécurité mais de flashs d'un monde menaçant, où je ne vivais que par chance, je ne pense pas que mes frères et soeur partagent mes souvenirs, les souvenirs disent les psy sont individuels, forgés selon la personnalité, parfois souvenirs fabriqués Psychotémoins, parfois notre sélection de souvenirs ne se fera qu'à l'échelle de notre sensibilité.

Il m’apparaît à peu près certain, à présent, que très sensible, imaginative, empathe et je ne sais quoi, ma sélection personnelle de souvenirs n'est pas obligatoirement le reflet de ma vie quotidienne, mais elle résulte de mes pires vécus, m'ayant tant marqués que j'ai occulté le quotidien, sans relief, non par souci de faire mousser quoi que ce soit, mais par crainte que ces événements traumatisants ne se renouvellent, ou étant incapable de les surmonter.

Toute petite, je n'avais pas classé ma mère dans la catégorie de "mère protectrice" elle me paraissait souvent apeurée, parfois insouciante, notre environnement étant , dans des époques de guerre, extrêmement angoissant. Ne pouvant trouver refuge vraiment auprès de ma mère, j'ai tenté, je crois de me protéger toute seule.

Une des conséquences ultérieure fut que j'en ai voulu très longtemps à ma mère, mon père étant absent, de n'avoir pas su me donner une enfance sécurisante. Lorsque je rentrais en France, je bavais devant les enfances paisibles passées entre la maison et l'école des autres petites filles, qui n'avaient jamais entendu de tirs dans leur quartier, jamais été obligées de se barricader la nuit, jamais craint pour leurs vies.

Si j'avais été moins fragile, je n'aurais pas vécu sur le ressenti mais sur le réel, vie pas toujours facile, matériellement, à l'époque l'Afrique était encore sauvage, mais nous n'avions pas de comparaison avec la France et nos assiettes étaient toujours pleines, nos lits à l'abri. Je suppose que d'autres enfants auraient retenu d'autres choses que l'inquiétude de ma mère lorsqu'on entendait feuler, plusieurs soirs de suite,  pas loin de notre case, était ce un guépard ou une panthère? Mon père était absent, nous l'entendions lorsque nous dînions  dans la cuisine, certes il n'y avait pas de fenêtre à la cuisine mais les claustras en dur, empêchaient elles toutes bêtes d''y entrer?

Les souvenirs de notre enfance sont étranges, j'envie les gens qui ont des souvenirs comme des madeleines tièdes, j'envie les gens qui ne se souviennent que des bonnes choses, parmi mes enfants aucun n'a la même image de la vie à la maison, leur personnalité, leur vécu strictement personnel, différent de celui des autres ont façonné leurs souvenirs.


Et puis, il y a des gens comme mon homme qui ne se souviennent de rien.



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