vendredi 16 mai 2014

Les vieux se cachent pour mourir.

 Il y a quelques jours, ma belle mère a téléphoné de nouveau à mon mari à propos de sa soeur cadette, Guyslaine.  Elle avait téléphoné à Guyslaine pour lui souhaiter son  anniversaire, elle vient d'avoir 84 ans, une jeunesse, elles sont les seules survivantes d'une tribu de sept enfants, et leur mère avait confiée la cadette à son aînée, avant de mourir pensant celle ci plus fragile, elle ne s'était pas trompée.

Guyslaine,  perd pied peu à peu, s'embrouille, et mélange allègrement le passé avec le présent, avec humour et bien d'amour, au téléphone elle demanda à ma belle mère des nouvelles de son mari, mort depuis  presque 14 ans, puis s'encquit de la maison rue Hanneloup, maison quittée il y a quarante ans ou  un peu plus, je ne l'ai jamais connue. Ma belle mère terriblement inquiète et ennuyée mit vite fin à la conversation.

Que faut il faire? Guyslaine n'a jamais été mariée et n'a pas eu d'enfant, elle vit comme un oiseau à Paris dans son appartement, regardant la télé de nuit et se levant l'après midi pour s'occuper des pigeons dont les plumes envahissent parfois son appartement, elle ne fait de mal à personne, et souhaite qu'on la laisse tranquille, surtout qu'on la laisse tranquille.


Parfois, on voit dans son regard une inquiétude, elle sait bien qu'elle perd le fil, et tente alors presque désespérée de le retrouver, puis a oublié même avoir oublié quelque chose, sa voix est aussi charmante qu'autrefois, sa façon de raconter les choses aussi  drôles et impertinentes. Guyslaine se rendant compte de ses difficultés,  ne va plus voir son médecin, ne s'éloigne plus de sa rue et se contente de plats préparés achetés au Monoprix d'à côté, elle ne cuisine plus. Une lucidité lui permettant encore de ne pas angoisser ni  la gardienne de son immeuble ni  la dame qui vient faire le gros de son ménage une fois par semaine.


Comment gérer de loin, une personne âgée dont la tête regarde les petits oiseaux, le coeur les nourrit alors même qu'elle oublie de se nourrir  elle même parfois. Elle revit son passé  avec bonheur et oublie les malheurs. Ma belle mère aimerait que mon mari s'occupe des papiers à faire des services sociaux à alerter, nous craignons le pire. Nous savons qu'elle ne souhaite qu'une chose qu'on lui fiche la paix, quitte à mourir sous un métro ou à  se noyer dans la Seine, quitte à  être victime de racailles, quitte à être dépouillée, mais on  peut pousser le pion jusqu'à quel point?

Mon homme et moi avons signé un pacte de non agression mutuelle,  nous nous laisserons vieillir comme nous le voulons, en attendant nous ne pousserons pas la génération d'au dessus en maison de retraite et autres collectivité que nous haïssons nous mêmes. Il est vrai pourtant que lorsque l'hiver maman ne répond pas au téléphone quelques jours, je l'imagine, ayant glissé dans l'escalier et incapable de se relever, elle refuse de porter un bip, ce qui est imprudent quand on vit seul dans une grande maison isolée. Mais Guyslaine, seule dans son appartement, pourrait aussi glisser dans sa salle de bain et combien de temps resterait elle avant que quelqu'un s'en rende compte? Souffrirait elle, comment prendre de bonnes décisions?





3 commentaires:

Djefbernier a dit…

Pas simple cette espérance de vie qui paraît-il augmente ; il y a moult exemples. La vieillesse nous enlève nos sens un à un pour nous habituer au néant. J'ai lu un peu de Cyrulnik, ... Les familles ne sont plus ce qu'elles furent à quelques exceptions que la distance n'a pas vaincu(es). Thanks for caring comme ils disent

Martine a dit…

Bien sûr les maisons médicalisées, ce n'est pas le top mais parfois, on n'a pas le choix. Il doit être possible de mettre assez vite cette vieille dame sous tutelle mais la procédure demande qu'elle voie un gériatre, bref, rien de facile. Sans doute dans un premier temps faudrait-il contacter son médecin et mettre en place un service à domicile: auxiliaire de vie pour les soins corporels et la vie de tous les jours, apports des repas par un service approprié, infirmière si nécessaire matin et soir pour la prise de médicaments éventuels... ça permettrait d'entamer plus sereinement cette tutelle qui ne pourra pas être évitée.
Nous, personnellement, nous n'envisageons rien pour notre extrême vieillesse. Celui qui part en premier a beaucoup plus de chance mais pour l'autre, il n'y a que des solutions au jour le jour mais surtout, s'arranger pour rester proche d'un de ses enfants (le pauvre!).

Ladywaterloo a dit…

Son médecin était absent, mon mari va le contacter, pour le moment elle s'habille très bien et reste "nickel", c'est juste la mémoire qui flanche, pour tout.

Guyslaine a une vraie aversion des soins médicaux, mais on essaiera de mettre en place une surveillance soit par une infirmière, soit une auxiliaire de vie afin qu'elle prenne ses médocs,et se nourrisse, je doute fort qu'elle mange des plateaux repas...

La procédure exige qu'elle voit un médecin agréé, avant de posser un dossier chez un juge des tutelles, j'imagine que cela va être sportif, elle refuse totue intrusion dans sa vie, et je la comprends.